Dans les derniers articles, je vous parlais de tous ces milliards que l’État va donner aux entreprises en difficulté. Mais qui va payer pour tous ces milliards ?

Alors, qui ?

Une crainte a ressurgi : et si c’était nous ? Dans la théorie, une augmentation du coût annuel de la dette doit être compensée par des recettes supplémentaires (donc, des impôts supplémentaires) si on ne veut pas aggraver le problème. On parle d’effet boule de neige de la dette quand le poids de la dette vous oblige à vous endetter plus pour rembourser.

Mais ne nous inquiétons pas, je ne pense que nous aurons à payer les conséquences du virus.

Boule de neige

Premièrement, l’effet boule de neige a son inverse avantageux. Si les taux d’intérêt baissent, alors vous pouvez vous désendetter en… vous endettant.

Supposons que vous ayez un crédit in fine[1] de 1000 € à 5% sur 1 an. Vous allez donc devoir 1050 € à votre banquier dans 1 an. Si les taux d’intérêt baissent et que vous pouvez désormais vous endetter à 3%, alors faites-le ! On parle de remboursement anticipé, vous empruntez 1000 € et vous remboursez immédiatement le nominal. Vous n’aurez pas à payer d’intérêts sur le premier prêt puisque vous avez remboursé en avance.

Vous devrez donc 1030 € au nouveau banquier : vous avez gagné. Mon exemple est sur 1 an, mais imaginez sur plusieurs années, le gain est notable.

Dans la vraie vie, toutefois, il y a des pénalités de remboursement anticipé, qui vous empêche de faire cela selon votre désidérata. Cela réduit l’efficacité de la manœuvre. La législation vous protège toutefois et limite le montant de cette pénalité.

Elle ne peut pas dépasser :

Pour en revenir à notre sujet : cela fonctionne de la même manière pour l’État. La baisse des taux d’intérêt initiée par les opérations open-market (dont fait partie le quantitative easing) de la Banque Centrale Européenne (BCE) fait baisser le coût auquel s’endette notre État.

YTM d’OAT 10Y

Vous pouvez voir sur le graphique ci-dessus que depuis le début de la crise du Covid-19, les taux de rendement actuariel (YTM, plus d’information sur le sujet sur cet article) des bons du trésor français 🇫🇷 sont repartis à la baisse (flèche verte).

Le pic indiqué par une flèche rouge représente le début de la crise. Pour le comprendre, il faut se rappeler que le YTM est un rendement attendu par les investisseurs. Cela signifie qu’il varie suivant l’offre et la demande, puisqu’il est fonction du taux d’intérêt du titre (appelé aussi taux de coupon) généralement fixe et surtout du prix de ce dernier. Dès lors, en cas de choc économique qui touche l’ensemble de l’économie, les investisseurs vont vendre leur titre pour avoir du cash. Cela va faire baisser les prix des obligations mais comme leur taux de coupon ne change pas, leur YTM (le vrai rendement donc) augmente brutalement.

Ceci s’applique à la plupart des obligations, mais généralement les investisseurs se tournent vers des obligations de pays développés les plus sûres possibles (les fameuses AAA) et donc ces dernières ne subissent pas de chocs très importants. C’est le cas des obligations françaises (notées AA) qui sont considérées comme sûres et privilégiées par les investisseurs. C’est la raison pour laquelle le pic n’est relativement pas très important.

En somme, la baisse des taux est un moyen de rembourser les dettes plus anciennes aux taux supérieures.

Dette exceptionnelle

Je ne pense pas que nous rembourserons la dette liée à la relance post-Covid. Les 30 à 40 % de PIB de dette supplémentaire vont être mis dans une case « dette exceptionnelle » qui sera détenue par la BCE. Et d’un coup de baguette magique, on annulera dans le monde entier cette partie de la dette. Je vous renvoie à cet article sur la relation ambiguë entre les banques centrales et les états.

La patronne de la BCE a un peu bafouillé quand on lui a demandé si elle pensait qu’une partie de la dette sera annulée. Elle a nié.[3] Mais il n’y a pas d’autres solutions. Avec de la croissance, sans crise de coronavirus, nous avons en France, année après année, fait exploser notre dette.

Avant même le coronavirus, nous avions rejoint le club très fermé des pays dont la dette est supérieure à 100%, avec le Japon, la Grèce, le Zimbabwe, entre autres.

Désolé pour le graphique de 2017. Toutefois, le classement est toujours vrai au moment où j’écris ces lignes.

Remboursement

Alors comment peut-on imaginer qu’on puisse rembourser un jour une dette qui va encore augmenter massivement ? Ce n’est pas le déficit « exceptionnel » et la dette « exceptionnelle » liés au coronavirus qui posent problème. Ceux-ci, tout le monde les a. Le problème c’est que des pays comme la France qui ont ouvert les vannes, en faisant sauter la digue des 3% de Maastricht, ne vont plus pouvoir les refermer. Que se passera-t-il quand on déclarera un plan de santé exceptionnel ? Plan social exceptionnel ? L’exceptionnel risquera de venir la règle et l’Allemagne et les pays d’Europe du Nord qui, eux, auront repris tranquillement le chemin de la bonne gestion des finances publiques ne vont pas accepter que nous créions chaque année de l’exceptionnel. Et on a là un risque grandissant de fracture d’une Union Européenne déjà branlante…

J’espère que cet article t’a plu, n’hésite pas à le dire en commentaire, à poser des questions, à liker la page des Investisseurs Malins sur Facebook, sur Instagram et à partager. Nous avons à cœur d’aider un maximum de gens à être plus malins dans l’utilisation de leur argent.


[1] C’est-à-dire que vous remboursez tout à la fin, intérêts et nominal. C’est une simplification utile à mon exemple.

[2] Service Public. (2019) Comment rembourser son crédit immobilier par anticipation ? | service-public.fr. Retrieved April 17, 2020, from https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1669

[3] France Inter. (2020) Christine Lagarde : « Plus ce temps sera long, plus les dommages économiques seront importants ». Retrieved April 17, 2020, from https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-09-avril-2020

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