Pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de la « monnaie hélicoptère », cela peut paraître loufoque… Pourtant on en parle. Les banques centrales y songent probablement. Explications !

L’épidémie

L’épidémie actuelle du Covid-19 va avoir un impact monumental sur l’économie mondiale, et a fortiori de la Chine et des pays développés (principalement européens à l’heure où j’écris ces lignes).  La banque de France a révisé ses prévisions de croissance et tablait sur 0,1% au lieu de 0,3% pour le premier trimestre. Et c’était le 9 Mars ![1] Aujourd’hui la récession est clairement prévue et anticipée par les marchés.

Que peuvent faire nos élites ?

Des plans de relance, et ça a déjà démarré. On sépare généralement les politiques économiques en deux faisceaux : le budgétaire (décidé par le gouvernement) et le monétaire (décidé par les banques centrales). Dans la plupart des pays ces deux entités sont très proches et poreuses, mais dans la zone euro, les gouvernements nationaux sont responsables des politiques budgétaires tandis que la Banque Centrale Européenne (BCE) est responsable de la politique monétaire de toute la zone. Les deux entités sont indépendantes.  Pour faire un plan de relance efficace, il faut allier ses deux facettes. C’est d’ailleurs une critique commune à l’encontre de la zone euro : une politique monétaire commune mais pas de politique budgétaire commune, bien que certaines règles communes existent comme la fameuse règle des 3% de déficit budgétaire maximum. Règle que très peu de pays respectent, et à ce propos, elle est rapidement passée à la trappe au vu de l’ampleur de la crise.[2]

 

Politique Monétaire très exceptionnelle

Le problème est le suivant : l’endettement public et l’endettement privé sont déjà très élevés. Par ailleurs, une entreprise en grosse difficulté, même avec des crédits de court-terme, si elle n’atteint jamais une rentabilité suffisante elle sera vouée à périr. Ces deux éléments font qu’une relance monétaire avec des taux encore plus bas (que ce qu’ils sont déjà) sera probablement peu efficace. La FED (Réserve Fédérale Américaine, banque centrale des États-Unis) a baissé ses taux à 0.25% ce qui correspond à une baisse de 1%. La BCE n’a pas baissé ses taux, dont le taux de dépôt est déjà à – 0.5%. Alors que faire de plus ? Baisser les taux est impossible car ils sont au plus bas, favoriser le crédit n’aide pas forcément une entreprise en difficulté et la nouvelle n’a pas eu les effets escomptés sur les marchés.

Une autre solution

Si l’État décide de s’endetter auprès de la banque centrale pour financer un déficit, la banque centrale a une créance auprès de l’État. Mais généralement les banques centrales doivent rendre des comptes à… l’État. On est dans un circuit fermé, comme si votre banque vous appartenait. L’État pourrait donc distribuer de l’argent « gratuitement », ou annuler les dettes des états. Cela créerait un peu d’inflation, mais est-ce vraiment un problème de nos jours ? La barre des 2% est encore loin (1% de spread/d’écart : c’est conséquent à cette échelle). Alors pourquoi ne le font-elles pas ?

Le principal problème est que créer de la monnaie « gratuitement » de la sorte serait immédiatement sanctionne par une dévaluation de la monnaie. Mais qu’en est-il dans le cas où tous les pays le font ? Une monnaie variant relativement à une autre, cela ne changerait rien, et ça boosterait temporairement la consommation sans les problèmes du crédit évoqués plus haut. On parle alors de helicopter money.

Helicopter Money

Les avantages

La Maison Blanche a fait pression mardi 17 Mars 2020 pour la promulgation d’un plan de soutien de 1 trillion de dollars, alors que l’administration Trump cherche à combattre l’impact économique de la pandémie de coronavirus.

« Ce sera énorme, ce sera audacieux », a déclaré le président Donald Trump.

Une partie de ce plan, soit 250 milliards de dollars, pourrait servir à effectuer des paiements directs allant jusqu’à 1 000 dollars par citoyen américain.

C’était à l’origine une idée farfelue dont avait parlé Milton Friedman en 1969[1]. Elle permet de booster temporairement l’économie en favorisant la consommation, sans que l’impact ne soit (trop) négatif sur l’économie.

Le problème

Vous imaginez le gouvernement expliquer qu’une réforme est nécessaire car tel ou tel système, retraites, santé etc. est déficitaire de quelques milliards ou même dizaines de milliards ?
La réponse des syndicats sera évidente : vous avez bien créé des centaines de milliards pour la crise du coronavirus, vous n’avez qu’à faire pareil…

Par ailleurs, il me semble que la valeur de l’argent correspond à la quantité de travail qu’elle vous permet d’obtenir. Par exemple, avec de l’argent vous pouvez faire travailler des gens pour vous, pour faire à peu près tout ce que vous voulez. Et inversement, si vous n’avez rien, seul votre travail peut vous fournir de l’argent.  Lorsque l’on commence à décorréler ces deux idées (argent et travail), cela me paraît dangereux. C’est un point de vue plus philosophique que je vous émets là.

Enfin, et pour revenir sur une vision plus économique de l’idée, que se passerait-il si, comme pour le quantitative easing, la population utilisait en (trop) grande partie les fonds distribués gracieusement pour épargner ? On ne ferait alors que créer une nouvelle bulle sans relancer la consommation et donc on graverait la situation. À ce moment-là, je pense qu’il faudrait distribuer les fonds aux populations qui consomment plus qu’elles n’épargnent. Pour le dire crûment : les pauvres. Car leur taux de d’épargne est le plus faible ! Supposons que vous donniez 1 000 € (comme le veut Donald Trump !) à un SDF : il va consommer l’entièreté du montant. Par contre, donnez 1 000 € à un millionnaire et il le mettra sur un compte épargne car il n’a absolument pas besoin de ce montant. Le souci devient maintenant politique : à qui donne-t-on les 1 000 € si on ne les donne pas à tout le monde ? On a clairement une opposition entre les objectifs politiques et économiques.

 

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[1]
Béatrice Madeline. (2020) Coronavirus : la Banque de France révise à la baisse
sa prévision de croissance. Retrieved
March 23, 2020, from
https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/03/09/coronavirus-la-banque-de-france-revise-a-la-baisse-sa-prevision-de-croissance_6032308_3244.html

[2]
La rédaction de l’Express. (2020) Coronavirus : l’UE annonce une suspension
inédite des règles de discipline budgétaire – L’Express. Retrieved March 23, 2020, from
https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/coronavirus-l-ue-annonce-une-suspension-inedite-des-regles-de-discipline-budgetaire_2121539.html

[3] Friedman, M. (1969). The
optimum quantity of money, and other essays
(No. HG538 F866).